Qu’est-ce qu’un droit au bail ?
Le droit au bail (DAB) est la somme que verse un repreneur pour reprendre un bail commercial à des conditions avantageuses (loyer sous le marché, durée sécurisée, droits à renouvellement, emplacement priviilégié…). C’est un actif incorporel inscrit au bilan comme immobilisation.
Ce n’est pas un pas-de-porte (droits d’entrée versés au propriétaire au début du bail). Le DAB est versé au cédant même si parfois de manière étonnante, il est aussi réclamé par un propriétaire mais il s’agit alors plutôt d’un droit d’entrée !
Dans le langage courant – et parfois même dans les pratiques – le droit au bail est confondu à tort avec le “pas-de-porte” ou d’autres formes de droits d’entrée réclamés par certains bailleurs. Or, juridiquement, le droit au bail est un actif incorporel cédé par le locataire sortant, jamais par le propriétaire. Il correspond à l’avantage économique pour le repreneur de bénéficier d’un bail aux conditions favorables.
À l’inverse, un pas-de-porte, versé au bailleur à la signature d’un nouveau bail, est encadré par la jurisprudence : il ne peut pas masquer un loyer déguisé ou être abusivement élevé. Certains bailleurs contournent ce cadre en exigeant des “droits d’entrée”, “frais de dossier”, ou autres appellations douteuses lors des renouvellements ou relocations. Ces pratiques peuvent être contestables, voire illégales, si elles n’ont pas de contrepartie économique claire.
Distinguer le droit au bail légitime d’un droit d’entrée abusif est donc essentiel, tant pour sécuriser une transaction que pour construire une valorisation juridiquement fondée. À ce titre, une analyse juridique rigoureuse du bail est indispensable.
Pourquoi valoriser un droit au bail ?
Sa valeur reflète l’économie réalisée ou l’avantage obtenu par le repreneur :
- un loyer inférieur au marché ;
- un bail sécurisé selon les règles des baux commerciaux ;
- Ce droit valorise l’emplacement, la durée restante du bail et les clauses (destination, sous-location, charges…) notamment dans des lieux ou les emplacements sont rares.
En bref, il valorise un avantage commerciale sécurisé par un bail commercial pour le futur exploitant.
Trois principales méthodes de valorisation
Toutes les méthodes ne se valent pas, et certaines sont mieux adaptées selon le contexte. Voici les plus utilisées.
1. Méthode par différentiel de loyer (“économie de loyer”)
- On valorise l’avantage économique direct pour l’occupant (loyer payé < loyer marché). On calcule la différence entre la valeur locative de marché (VLM) et le loyer real actuel (L), multiplié par la durée restante (n) et un coefficient de situation (c):
DAB ≈ (VLM − L) × n × c
- Le coefficient de commercialité (“c”) est fixé par référence à la jurisprudence :
- 4–5 pour emplacements standards,
- 6–7 très bons emplacements,
- jusqu’à 8,5–9,3 en cas d’emplacement d’exception.
Exemple : bail à 35 000 €/an, loyer marché = 40 000 €/an, reste 7 ans => (5 000 × 7) × c ≈ valeur = 35 000 × c (typiquement 4–6) soit 140 000–210 000 € .
2. Méthode par comparaison
Cette méthode consiste à estimer la valeur du droit au bail en comparant des transactions récentes similaires, dans une même zone géographique, pour des locaux équivalents (surface, emplacement, type d’activité, état général du local, durée restante du bail…).
C’est la méthode privilégiée par les tribunaux lorsque les comparables sont fiables, et elle est souvent utilisée comme point de recoupement avec la méthode par économie de loyer.
Sources utilisées
- Données internes (réseau d’agents immobiliers, cabinets d’expertise locaux)
- Bases de données spécialisées (Ex. : PERVAL, DVF [Demande de Valeurs Foncières], INSEE locaux professionnels)
- Dossiers de cession de fonds de commerce similaires
- Jurisprudence (notamment décisions de réévaluation d’indemnité d’éviction)
Avantages
- Concrète, facile à expliquer à un repreneur ou un juge
- Permet de s’ancrer dans la réalité du marché local
- Fiable et lisible cette méthode est souvent privilégiée par les acteurs de la transaction mais elle est valable uniquement si on dispose de nombreuses références cohérente de cession.
3. Autres méthode dite “scientifique” (coefficient d’emplacement, DCF, etc)
On valorise le potentiel commercial de l’emplacement, indépendamment du loyer payé.
Cette méthode consiste à appliquer un coefficient d’emplacement ou de commercialité à un loyer de référence ou à une surface pour obtenir une estimation du droit au bail.
Elle est très utilisée par les experts immobiliers, les tribunaux, ou dans les barèmes professionnels (notamment dans les grandes villes). Ce coefficient est censé intégrer :
- l’attractivité commerciale de la zone ;
- l’intensité du passage (flux piéton/véhicule) ;
- la rareté des locaux disponibles ;
- l’environnement (enseignes nationales, mix commercial…)
Les avantages :
- Multiple fondé sur la surface, l’évolution du loyer et l’emplacement via un coefficient repris en jurisprudence de marché.
- Permet des évaluations rapides pour les experts fonciers, recoupées avec des approches comparatives.
- Permet de bâtir une fourchette de référence, surtout quand les données sont fragmentaires.
Limites et exceptions
Le droit au bail n’a pas toujours de valeur. Dans certains cas, il devient même… théorique.
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Lorsque l’économie de loyer est nulle ou faible
Si le loyer actuel est proche ou supérieur à la valeur locative, la méthode devient peu fiable. Dans ce cas, la seule valeur résiduelle est liée à l’emplacement, ce qui rend la valorisation complexe -
Cas des bureaux
La jurisprudence récente indique que dans le cas de locaux à usage de bureaux, les juges admettent généralement l’absence de préjudice, annulant quasiment toute valorisation du DAB. -
Durée restante du bail
Un bail court réduit drastiquement la valeur du DAB : un bail restant < 3 ans peut diminuer la valeur de 50 % ou plus, surtout si les conditions de renouvellement sont incertaines. - Clauses restrictives
- Bail à destination spécifique ou clause d’agrément
- Interdiction ou autorisation limitée de reprise ou de sous-location
Ces clauses réduisent le nombre de repreneurs potentiels et donc la valeur.
Points clés à analyser
Avant toute valorisation, un travail d’audit s’impose sur plusieurs dimensions.
- Écart entre loyer réel et valeur locative : point de départ de toute valorisation.
- Durée restante du bail, garanties, révision prévue, lissages à +10% max/an imposés par le Code de commerce .
- Coefficient commercialité : fixé selon la qualité de l’emplacement, mais attention aux pratiques outillées/incohérentes .
- Clauses contractuelles : exclusivité (“tous commerces”), sous-location, cession, destination, garanties (associés, bailleur).
- Aléas juridiques : déplafonnement, révisions contentieuses, indemnité d’éviction possible.
- Comparables locaux : transactions récentes, tendances du marché local, données CRCC/AGIRC.
Pourquoi un angle technique est indispensable ?
Une valorisation approximative peut coûter très cher. Un droit au bail surévalué peut faire fuir un repreneur, ou créer un litige post-cession. Un DAB sous-évalué peut faire perdre des dizaines de milliers d’euros au cédant. Un DAB mal expliqué peut rendre une négociation bancale.
Un regard rigoureux, combinant approche comptable, juridique et commerciale, est donc fondamental. 2 exemples courants d’erreurs de valorisation d’un droit au bail :
- Surestimation : un repreneur peut découvrir que le loyer compense peu, que le bail expire bientôt, que les clauses sont restrictives → valorisation revue à la baisse de 30 à 50 %.
- Sous-estimation : dans un bail tampon (loyer très sous-marché, bail longue durée, destination “tous commerces”), une valorisation peu fine peut laisser 20 %+ de valeur sur la table.
Pour conclure sur la valorisation d’un droit au bail
Le droit au bail est un actif à part entière, mobilisable dans la valorisation d’un fonds de commerce. Mais il doit être analysé rigoureusement :
- Économie de loyer (différentiel × durée restante × coefficient)
- Prise en compte des clauses restrictives, de l’emplacement et de la jurisprudence
- Vérification avec des comparables avant de conclure.
Un DAB bien valorisé peut faire la différence entre une acquisition profitable ou un risque lourd pour l’acquéreur. Chez XVAL, nous combinons rigueur quantitative, analyse juridique et terrain pour garantir une valorisation fiable et optimisée. Contactez nous pour une expertise complète :




